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Assemblée de carence pour une modification authentique : acte authentique ou sous signature privée ?

Avis 2024/005

29/11/2024

Description de la question

Le procès-verbal d’une assemblée de carence pour une modification authentique doit-il également être établi de manière authentique, ou peut-il se faire sous signature privée ?

Disposition(s) légale(s) applicable(s)

Art. 2:5, § 4 CSA :

« Toute modification des statuts doit, à peine de nullité, être faite en la forme requise pour l’acte constitutif. »

Art. 5:100 CSA :

« L’assemblée générale a le droit d’apporter des modifications aux statuts. L’assemblée générale ne peut valablement délibérer et statuer sur les modifications aux statuts que lorsque les modifications proposées ont été mentionnées de manière précise dans la convocation, et lorsque les actionnaires présents ou représentés représentent la moitié au moins du nombre total des actions émises.
  Si cette dernière condition n’est pas respectée, une deuxième convocation est nécessaire et la nouvelle assemblée délibère et statue valablement, quel que soit le nombre d’actions représentées par les actionnaires présents ou représentés.
  Une modification n’est admise que lorsqu’elle réunit les trois quarts des voix exprimées, sans qu’il soit tenu compte des abstentions dans le numérateur ou dans le dénominateur. »

Art. 7:153 CSA :

« L’assemblée générale ne peut valablement délibérer et statuer sur les modifications aux statuts que lorsque les modifications proposées ont été indiquées de manière précise dans la convocation, et lorsque les actionnaires présents ou représentés représentent la moitié au moins du capital.

  Si cette dernière condition n’est pas remplie, une nouvelle convocation sera nécessaire et la deuxième assemblée délibérera et statuera valablement, quelle que soit la portion du capital représentée par les actionnaires présents ou représentés.
  La modification n’est admise que lorsqu’elle réunit les trois quarts des voix exprimées, sans qu’il soit tenu compte des abstentions dans le numérateur ou dans le dénominateur. »

Doctrine pertinente

DE BAUW F., Les assemblées générales dans les sociétés anonymes, Bruxelles, Bruylant, 1996, n° 367, p. 166.

FRANCK P.A., Manuel pratique des assemblées générales d’actionnaires dans les sociétés anonymes, Bruxelles, Editions l’Avenir, 1944, n° 546, p. 199.

RESTEAU Ch., Traité des Sociétés Anonymes, Volume II, Polydore Pée, Bruxelles, 1933, n° 1286, p. 412-413.

RESTEAU Ch., BENOÎT-MOURY A. et GREGOIRE A., Traité des Sociétés Anonymes, Tome II, Bruxelles, Swinnen, 1982, n° 1286, p. 483.

Présentation de la problématique

Une discussion émerge au sein du notariat sur la question de savoir si le procès-verbal d’une assemblée générale d’absence (l’assemblée de carence), pour laquelle on sait à l’avance avec certitude que le quorum pour cette assemblée générale ne sera pas atteint, doit faire l’objet d’un acte authentique.

L’acte authentique n’est exigé par la loi que si les statuts sont modifiés et si le CSA a prescrit la forme authentique pour l’acte constitutif, ou s’il est exigé en vertu d’une autre disposition légale.[1] Nous développons ce point dans cet avis.

Discussion

Certains auteurs estiment que le procès-verbal d’une assemblée de carence portant sur une modification authentique doit également être établie en la forme authentique.[2]

DE BAUW indique que si l’assemblée générale constate que l’assemblée n’est pas en nombre pour délibérer valablement, l’absence doit être constatée formellement, un procès-verbal doit être rédigé de cette constatation et la séance doit être levée. Le procès-verbal de cette assemblée générale doit selon lui être établi de manière authentique.

Selon lui, la raison de cette obligation est de permettre au notaire d’établir à la deuxième assemblée générale qu’elle a été valablement convoquée et que toutes les conditions légales pour une prise de décision valide étaient réunies. Si cette deuxième assemblée générale n’atteint pas non plus le quorum requis, elle peut néanmoins décider valablement parce qu’une assemblée de carence a eu lieu. Toutefois, si l’assemblée de carence n’a pas été établie dans un acte authentique, selon lui il n’y a pas de preuves documentaires suffisantes sur lesquelles le notaire pourrait s’appuyer pour authentifier la légalité de la prise de décision lors de la deuxième assemblée. En cas de carence lors d’une première assemblée, le respect des exigences légales ne peut être constaté que par la lecture conjointe des procès-verbaux des deux assemblées générales, ce qui a pour effet que les deux assemblées générales doivent faire l’objet d’un procès-verbal authentique[3].

En revanche, selon RESTEAU, une confirmation authentique d’une assemblée de carence tenue sous signature privée n’est possible qu’avec une décision authentique d’une assemblée générale valablement constituée. Si la deuxième assemblée générale n’atteint toujours pas le quorum requis, cela n’apporte aucune valeur ajoutée puisqu’il faut d’abord convoquer une assemblée générale pour ratifier la première assemblée (qui doit d’ailleurs être en nombre, sinon il faut convoquer une deuxième assemblée générale pour cela aussi). Enfin, ce n’est qu’à ce moment-là qu’une deuxième assemblée générale peut être convoquée pour la modification authentique envisagée.

Dans le contexte de la valeur probante d’une assemblée de carence, une constatation authentique de l’assemblée de carence a sans aucun doute une valeur ajoutée. Cependant, exiger que le procès-verbal d’une assemblée de carence doit être établi de manière authentique ajoute au texte légal une condition qu’il ne prévoit pas. Pour apprécier la régularité d’une assemblée de carence, il faut s’appuyer sur le procès-verbal de la première assemblée. En d’autres termes, la preuve de l’accomplissement des formalités exigées par la loi pour qu’une décision juridiquement valable soit prise lors de la deuxième assemblée ne peut être obtenue qu’en combinant les procès-verbaux des deux assemblées. Cette preuve ne doit pas nécessairement être authentique.

Conclusion 

Le Comité est d’avis que, si l’assemblée générale constate qu’elle n’est pas en nombre pour délibérer valablement, l’absence doit être constatée dans un procès-verbal de l’assemblée et la séance doit être levée. Toutefois, il n’y a pas d’obligation que le procès-verbal soit établi authentiquement.


[1] Par exemple : les actes de fusion et de scission, les apports à la SRL sans émission de nouvelles actions, les obligations de publicité hypothécaire en cas d’apport ou de transfert de droits immobiliers, …

[2] De Bauw F., Les assemblées générales dans les sociétés anonymes, Bruxelles, Bruylant, 1996, n° 367, p. 166 ; Resteau CH., Benoît-Moury A. et Gregoire A., Traité des Sociétés Anonymes, Tome II, Bruxelles, Swinnen, 1982, n° 1286, p. 483 ; Franck P.A., Manuel pratique des assemblées générales d’actionnaires dans les sociétés anonymes, Bruxelles, Editions l’Avenir, 1944, n° 546, p. 199.

[3] RESTEAU Ch., Traité des Sociétés Anonymes, Deel II, Polydore Pée, Bruxelles, 1933, n° 1286, p. 412-413.