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Assemblée générale extraordinaire SRL/SC/SA – Mandats de protection extrajudiciaire et assemblée générale

17/05/2024

Avis 2024/001

1. Question

Le droit des sociétés connaît des limitations légales et statutaires à la possibilité de se faire représenter par procuration à l’assemblée générale d’une société. Ainsi, d’une part, l’article 7:142 CSA dispose que, dans la société anonyme, les procurations doivent être données de manière limitée pour une ou plusieurs assemblées déterminées ou pour les assemblées tenues pendant une période déterminée. D’autre part, les statuts peuvent par exemple disposer qu’aucune procuration ne peut être donnée ou que celle-ci ne peut être donnée qu’à d’autres actionnaires.

Les mandats de protection extrajudiciaire constituent une mesure extrajudiciaire visant à pallier anticipativement une incapacité future. À ce titre, ils mentionnent souvent dans leur champ d’application la participation et l’exercice du droit de vote aux assemblées générales des sociétés. Comment cela s’articule-t-il avec les règles qui s’appliquent en droit des sociétés concernant la délégation du droit de vote lors des assemblées générales par des procurations ordinaires ?

Plus précisément, la question se pose de savoir si les mandats de protection extrajudiciaire doivent être considérés comme des procurations de droit commun au sens des dispositions statutaires et légales susvisées, qui doivent donc subir les mêmes limitations, ou s’ils doivent être considérés comme une mesure de protection extrajudiciaire dans laquelle le mandataire désigné dans le mandat de protection extrajudiciaire agit dans une qualité qui correspond à celle d’un représentant légal ou judiciaire à l’égard de qui les restrictions mentionnées ne s’appliquent pas.

2. Dispositions légales applicables

Art. 5:82 CSA :

« Lorsque la société ne compte qu’un seul actionnaire, il exerce les pouvoirs dévolus à l’assemblée générale. Il ne peut les déléguer ».

Art. 5:95 CSA :

« Sauf disposition statutaire contraire, les actionnaires peuvent se faire représenter par un mandataire, qui ne doit pas être actionnaire. Les statuts peuvent permettre aux actionnaires de voter par écrit avant l’assemblée.

Un vote émis par écrit ou une procuration octroyée restent valables pour chaque assemblée générale suivante dans la mesure où il y est traité des mêmes points de l’ordre du jour, sauf si la société est informée d’une cession des actions concernées ».

Art. 6:80 CSA (idem art. 5:95 CSA).

Art. 7:142 CSA :

« Tous les actionnaires ayant droit de vote peuvent voter eux-mêmes ou par procuration.

Par procuration, il faut entendre le pouvoir donné par un actionnaire à une personne physique ou morale pour exercer au nom de cet actionnaire tout ou partie de ses droits lors de l’assemblée générale.

Sans préjudice de l’article 7:145, alinéa 1er, 1°, ce pouvoir peut être donné pour une ou plusieurs assemblées déterminées ou pour les assemblées tenues pendant une période déterminée.

La procuration donnée pour une assemblée vaut pour les assemblées successives convoquées avec le même ordre du jour.

Le mandataire bénéficie des mêmes droits que l’actionnaire ainsi représenté et, en particulier, du droit de prendre la parole, de poser des questions lors de l’assemblée générale et d’y exercer le droit de vote ».

Art. 490, al. 1 à 3, ancien C. civ. :

« Le mandat spécial ou général accordé par une personne majeure capable d’exprimer sa volonté ou par une personne mineure émancipée à l’égard de laquelle aucune mesure de protection visée à l’article 492/1 n’a été prise, et ayant pour but spécifique d’organiser à son égard une protection extrajudiciaire, et la fin de ce mandat, en vertu de l’alinéa 5, sont enregistrés dans le registre central tenu par la Fédération royale du notariat belge.

La demande d’enregistrement s’effectue par le dépôt d’une copie certifiée conforme du contrat au greffe de la justice de paix du lieu de résidence du mandant et, subsidiairement, de son domicile, ou par l’intermédiaire du notaire ayant dressé l’acte portant mandat.

Dans ce contrat peuvent figurer un certain nombre de principes que le mandataire doit respecter dans l’exercice de sa mission.

[] »

Art. 490/1, §§2 et 3, ancien C. civ. :

«  § 2. Le juge de paix peut, soit d’office, soit à la demande du mandant, du mandataire, de tout intéressé ainsi que du procureur du Roi, statuer sur l’exécution du mandat.

Si le juge de paix constate que le mandant se trouve dans la situation visée aux articles 488/1 ou 488/2, que le mandat répond à l’intérêt du mandant et que le mandataire a accepté sa mission, il ordonne l’exécution totale ou partielle du mandat conformément à l’article 490/2. La décision est communiquée par pli judiciaire au requérant, au mandant et au mandataire.

Dans le cas contraire, le juge de paix peut ordonner, par une ordonnance spécialement motivée, en application de l’article 492/1, une mesure de protection judiciaire qui fait cesser totalement ou partiellement le mandat ou s’y ajoute.

§ 3. Le mandataire apprécie le moment où le mandant se trouve dans une situation visée à l’article 488/1 ou 488/2, le cas échéant, conformément à ce qui est prévu dans le contrat de mandat visé à l’article 490. Cette appréciation est opposable à un tiers de bonne foi ».

Art. 490/2 ancien C. civ. :

« § 1er. Sauf disposition légale contraire, le mandat visé à l’article 490, est soumis aux articles 1984 à 2010.

Dans l’accomplissement de sa mission, le mandataire respecte, autant que possible, les principes indiqués par le mandant conformément à l’article 490, alinéa 3.

Le mandataire associe le mandant, dans toute la mesure du possible et compte tenu de son degré de compréhension, à l’exercice de sa mission. Il se concerte, à intervalles réguliers et au moins une fois par an, avec le mandant et, le cas échéant, avec les personnes désignées par le mandant.

Lorsque les intérêts du mandataire sont en opposition avec ceux du mandant, le juge de paix désigne, d’office ou à la demande du mandant ou de tout intéressé, un mandataire ad hoc.

Les fonds et les biens du mandant sont entièrement et nettement séparés du patrimoine personnel du mandataire. Les avoirs bancaires du mandant sont inscrits à son nom propre.

Si le mandant a désigné plusieurs mandataires, les différends entre ces derniers sont réglés dans l’intérêt du mandant après avoir tenté de rapprocher le point de vue des parties conformément à l’article 1247 du Code judiciaire.

§ 2. Le juge de paix peut, à tout moment, mettre fin, en tout ou partie, au mandat spécial ou général visé à l’article 490 si la manière d’exercer la mission du mandataire est de nature à mettre en péril les intérêts du mandant. Il peut remplacer, en tout ou en partie, ce mandat par une mesure de protection judiciaire qui serait plus conforme aux intérêts du mandant. Il peut soumettre l’exécution du mandat ou l’exercice des attributions du mandataire aux mêmes formalités que celles qui s’appliquent à la mesure de protection judiciaire.

Le juge de paix peut, soit d’office, soit à la demande de tout intéressé ainsi que du procureur du Roi, statuer sur les modalités d’exécution du mandat ou sur les attributions du mandataire. Les mêmes sanctions que celles prévues pour une mesure de protection judiciaire s’appliquent en cas de non-respect des modalités d’exécution du mandat ou des attributions du mandataire.

§ 3. La mesure de protection extrajudiciaire prend fin :

1° lorsque les conditions prévues aux articles 488/1 et 488/2 ne sont plus rencontrées;
2° suite à l’enregistrement de la renonciation du mandataire au mandat conformément à l’article 490, alinéa 5;

3° suite à l’enregistrement de la révocation du mandat par le mandant conformément à l’article 490, alinéa 5;

4° suite au décès ou au placement sous protection judiciaire, conformément à l’article 492/1, soit du mandant soit du mandataire;

5° suite à une décision du juge de paix prise en vertu du § 2 ou de l’’article 490/1, § 2, alinéa 3 ».

3. Doctrine pertinente

E. CALLENS, « Aanwending van de zorgvolmacht in de context van (patrimonium)vennootschappen: meer zorgen dan macht », TEP, 2018, pp. 224 à 238.

A. SPRUYT et E. SPRUYT, « De intelligente zorgvolmacht: instrument van voorzienigheid en successieplanning », in H. DE CNIJF en L. MAES (EDS.), Fiscaal Praktijkboek 2023-2024. Indirecte Belastingen. Fiscale nieuwigheden praktisch bekeken, 2023, pp. 314-322 et pp. 360-361.

F. TAINMONT, J. FONTEYN, C. LIESENBERG et P. RAEPSAET, « Le contenu du mandat extrajudiciaire et les pouvoirs du mandataire », in J. Sosson, (dir.), La protection extrajudiciaire et judiciaire des majeurs vulnérables, Bruxelles, Larcier, 2021, p. 187-189.

E. VAN DEN EEDEN, « Rol van de bewindvoerder », in K. Rotthier, T. Wuyts, E. Van Den Eeden, J. Bogaert, Handboek bescherming wilsonbekwamen. Zorgvolmacht en bewind na de wet van 21 december 2018, Anvers, Kluwer, 2019, p. 367, n° 993.

V. VANDERHULST et H. GORET, « 10 jaar zorgvolmacht », Not. Fisc. M.,2023, p. 293-294.

A. WYLLEMAN, « Art. 489 Oud BW », in X., Personen- en familierecht. Artikelsgewijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Anvers, Kluwer, Art. 489 – 9-12.

A. WYLLEMAN, « Art. 490 Oud BW », in X., Personen- en familierecht. Artikelsgewijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Anvers, Kluwer, Art. 490 – 3.

4. Présentation de la problématique

Les thèses suivantes sont défendues dans la doctrine et la pratique par rapport à cette problématique[1].

Première thèse

Selon la première thèse, le droit des sociétés est considéré comme une lex specialis par rapport à la réglementation du mandat de protection extrajudiciaire, de sorte qu’il faut donner la primauté aux règles du droit des sociétés. Cette tendance opère, conformément aux règles du droit des sociétés en la matière, une distinction entre la situation au sein de la SA et celle au sein de la SRL et la SC.

a) En société anonyme

Selon cette thèse, la possibilité d’utiliser un mandat de protection judiciaire pour ce qui concerne la SA n’est pas évidente. Pour la société anonyme, l’article 7:142 du Code des sociétés et des associations dispose notamment que la procuration « peut être donné[e] pour une ou plusieurs assemblées déterminées ou pour les assemblées tenues pendant une période déterminée ».

Selon cette disposition, un actionnaire ne peut donc pas déléguer ses droits dans la SA pour une durée indéterminée. Certains auteurs[2] déduisent dès lors de cette disposition que les mandats de protection extrajudiciaire au sein d’une société anonyme ne peuvent avoir d’effet. A cet égard, E. Callens précise que « ce faisant, le législateur s’écarte du droit commun du mandat, où un mandat d’une durée indéterminée est possible. L’intention du législateur en adoptant cette disposition était peut-être d’éviter de porter atteinte aux droits fondamentaux des actionnaires »[3].

A l’analyse des travaux préparatoires de la loi du 17 mars 2013, ces auteurs constatent que le législateur a omis d’envisager concrètement l’application du mandat de protection extrajudiciaire en droit des sociétés.

Pour ces auteurs, il semble difficile de concilier l’impossibilité pour l’actionnaire de se faire représenter de manière permanente aux assemblées générales sur la base d’un mandat de droit commun, et, dans le même temps, la possibilité de l’être sur la base d’un mandat de protection extrajudiciaire qui est généralement le prolongement d’un mandat de droit commun.

Bien que tant la loi du 17 mars 2013 que le CSA soient deux lex specialis par rapport aux règles générales du mandat, cette doctrine estime que le CSA, en ce qu’il règle plus spécifiquement le cas des assemblées générales des actionnaires, devrait primer sur les principes généraux établis par la loi du 17 mars 2013, dans la mesure où ces derniers ont, quant à eux, vocation à s’appliquer de manière générale et pour une période indéterminée.  

b) En société à responsabilité limitée et en société coopérative

Pour les SRL et SC, la doctrine civile relative au mandat extrajudiciaire estime qu’il constitue un outil de business continuity en matière de droit des sociétés, destiné à permettre au mandataire d’exercer les droits du mandant au sein des sociétés dans lesquelles ce dernier est partie prenante[4]. Selon cette doctrine, le CSA – vu l’absence de limitation légale en la matière – n’émet aucune objection à la représentation d’un actionnaire à l’assemblée générale de la société à responsabilité limitée et de la société coopérative. Le mandataire extrajudiciaire pourra donc exercer les droits du mandant actionnaire d’une telle société, notamment prendre part à l’assemblée générale, interpeller les membres de l’organe d’administration et voter[5].

Ce moyen de représentation permettrait à l’actionnaire de garder, en grande partie, le contrôle de la société, dans la mesure où les décisions les plus importantes concernant la société doivent être prises par l’assemblée générale des actionnaires[6].

Deuxième thèse

Selon la deuxième thèse, la réglementation relative au mandat de protection extrajudiciaire doit être considérée comme une lex specialis par rapport au droit des sociétés.

Le « mandat de protection extrajudiciaire » est une appellation pratique donnée à ce qui juridiquement correspond à une mesure de protection extrajudiciaire[7].

Selon cette doctrine[8], la ratio legis ayant conduit à l’adoption de l’outil que constitue le mandat de protection extrajudiciaire doit prévaloir sur les règles du droit des sociétés, tant en SA que dans les SRL et SC.

Ces auteurs précisent que « ce serait amputer d’une partie significative de son effet utile un tel mandat que de considérer qu’il est inopérant dans le contexte des sociétés anonymes, alors précisément que ces sociétés ont vocation à un actionnariat hétéroclite, large et impersonnel. La société anonyme est, rappelons-le, l’archétype de la société de capitaux »[9]. Ainsi, l’inapplicabilité du mandat de protection extrajudiciaire dans le cadre d’une SA aboutirait, in fine, à lui retirer une partie de son effet utile et nécessiterait, en ce cas, de solliciter la désignation d’un administrateur judiciaire en cas d’incapacité de l’actionnaire-mandant.

Une partie de la doctrine plus réservée adhère également à ce point de vue : « La question est de savoir si, dans l’application du mandat en tant que protection extrajudiciaire dans ce contexte, on ne pourrait pas défendre une interprétation large et affirmer qu’un tel mandat qui vaut pour une durée indéterminée et donc jusqu’à la fin de la vie du mandant mais qui est toujours révocable par ce même mandant, doit également pouvoir être utilisé pour l’exercice de ses compétences en tant qu’actionnaire lors de l’assemblée générale d’une société anonyme »[10].

5. Discussion

Le point de départ du raisonnement est de savoir quelle est la portée précise d’un mandat de protection extrajudiciaire et de la situation en l’absence d’un tel mandat[11].

WYLLEMAN le résume bien : « Le mandat qui est destiné à opérer comme protection extrajudiciaire se distingue formellement d’un mandat de droit commun par un certain nombre de conditions de forme qui sont reprises à l’article 490 de l’ancien C. civ. En respectant ces conditions de forme, le mandant exprime clairement au monde qu’il souhaite expressément que ce mandat soit également valable s’il se trouve dans un état tel que défini aux articles 488/1 ou 488/2 de l’ancien C. civ. »[12].

Le mandat de protection extrajudiciaire diffère du mandat de droit commun en ce qu’il prend effet au moment où le mandant se trouve dans un état prévu aux articles 488/1 et 488/2 précités (étant un état d’incapacité). Le mandat de droit commun, quant à lui, cesse précisément de produire ses effets lorsque le mandant se trouve dans un état visé aux articles précités. Lors de l’analyse de la portée de cette mesure, il ne faut pas perdre de vue l’objectif visé : créer une alternative extrajudiciaire pour le cas où une personne n’est plus en état de gérer son propre patrimoine afin de désigner quelqu’un pour défendre ses intérêts à sa place.

Lorsqu’une personne n’est plus capable de gérer sa personne ou ses biens, le juge de paix peut à sa requête, à celle de toute personne intéressée ou du procureur du Roi, prononcer une mesure de protection judiciaire à son égard[13]. La procédure à cet effet est définie dans le Code judiciaire[14]. Cette protection peut se faire soit quant aux biens de la personne incapable, soit quant à sa personne, soit les deux. Le juge de paix qui ordonne une mesure de protection judiciaire décide quels sont les actes relatifs à sa personne, à ses biens, ou les deux, que la personne protégée est incapable d’accomplir. A défaut d’indication dans l’ordonnance, la personne reste capable d’accomplir les actes relatifs à sa personne et à ses biens. L’article 492/1, §2 de l’ancien Code civil prévoit une check-list des actes relatifs aux biens et à la personne pour lesquels le juge de paix doit nécessairement se prononcer. Le juge de paix désigne un administrateur qui assiste ou représente la personne protégée dans l’accomplissement des actes relatifs à ses biens pour lesquels elle a été déclarée incapable conformément à l’article 492/1 de l’ancien Code civil (art. 494, b) et c), de l’ancien Code civil). La mission d’assistance par l’administrateur est la règle, tandis que la mission de représentation ne s’applique que si l’assistance par l’administrateur n’est pas suffisante. A défaut de précision dans l’ordonnance, la personne protégée est assistée par son administrateur (art. 492/2, al. 2 de l’ancien Code civil). Le juge peut également combiner les régimes et, par exemple, estimer que, pour certains actes, un régime d’assistance est mis en place, mais que pour d’autres, un régime de représentation est nécessaire. Cet administrateur judiciaire est compétent pour participer à l’assemblée générale, quelle que soit la forme légale de la société : « Si la personne protégée possède des actions dans une société, ces actions font partie de la masse gérée par l’administrateur dans la mesure où la personne protégée a été déclarée incapable. La gestion par l’administrateur de ces actifs implique également l’exercice des droits qui y sont liés dans la société (par exemple, le droit de vote à l’assemblée générale), puisque ces droits sont de nature patrimoniale »[15].

La réglementation sur le mandat extrajudiciaire vise dès lors à régler une situation qui, en l’absence de cette réglementation, doit être résolue par une mesure de protection judiciaire. L’administrateur judiciaire qui serait désigné à cet effet ne serait pas soumis aux limitations statutaires ou légales applicables aux procurations ordinaires en droit des sociétés, et seules les règles du Code civil seraient applicables ici.

La différence avec la procuration ordinaire se manifeste également par le fait que celle-ci prend fin avec l’incapacité du mandant, une situation qui est précisément celle visée par le mandat de protection extrajudiciaire. Pour des raisons évidentes, l’incapacité du mandant ne met pas fin à la validité du mandat de protection extrajudiciaire.

Le mandat de protection extrajudiciaire doit être assimilé à une représentation légale d’une personne qui lui est accordée dans le cadre d’une mesure de protection extrajudiciaire et n’est donc pas une procuration de droit commun.

Compte tenu de la considération exposée ci-dessus, le Comité estime que les limitations statutaires et légales classiques qui s’appliquent lorsqu’une personne donne un mandat de droit commun pour participer à l’assemblée générale d’une société ne s’appliquent pas lors de l’utilisation du mandat de protection extrajudiciaire.

De plus, le mandat de protection extrajudiciaire fait l’objet d’un enregistrement dans un registre central qui vaut comme source authentique en la matière, afin de garantir son caractère opposable général. Par l’inscription de ce mandat de protection extrajudiciaire dans le registre central, le mandataire est immédiatement présumé de manière réfragable avoir le droit d’agir valablement au nom du mandant, que ce dernier soit ou non déjà incapable. Le bureau de l’assemblée générale n’a pas de devoir d’investiguer s’il existe un titre valide à l’origine de l’inscription. Ceci est comparable aux personnes qui sont présumées de manière réfragable être actionnaires d’une personne morale par leur inscription dans le registre des actions (cf. articles 5:29, 6:28 ou 7:34 CSA).

6. Conclusion

Sur base de la ratio legis du mandat de protection extrajudiciaire et de son champ d’application ratione materiae général, il faut conclure que le mandat de protection extrajudiciaire vaut comme une lex specialis par rapport au CSA en ce qui concerne la représentation de l’actionnaire placé sous protection, sans aucune restriction quant au type d’acte de société.

La personne qui agit sur base d’un mandat de protection extrajudiciaire pour représenter la personne incapable ne peut donc pas être considérée comme un mandataire ordinaire qui serait visé par les limitations légales et statutaires en la matière, mais bien comme un représentant extrajudiciaire particulier qui est comparable à un représentant judiciaire ou légal.

Cet avis ne se prononce pas sur la validité et la portée d’un mandat de protection judiciaire dans la relation entre un mandant et un mandataire, et vise uniquement à fournir un avis du point de vue d’une société qui doit décider de l’admission du détenteur d’un mandat de protection extrajudiciaire à l’assemblée générale.


[1] Celles-ci se manifestent en grande partie selon la perspective des auteurs, notamment selon qu’ils abordent la problématique sous l’angle du droit civil ou du droit des sociétés.

[2] E. Callens, « Aanwending van de zorgvolmacht in de context van (patrimonium)vennootschappen: meer zorgen dan macht», TEP, 2018, p. 235, n° 14 ; A. SPRUYT en E. SPRUYT, « De intelligente zorgvolmacht: instrument van voorzienigheid en successieplanning », in H. De Cnijf en L. Maes (eds.), Fiscaal Praktijkboek 2023-2024. Indirecte Belastingen. Fiscale nieuwigheden praktisch bekeken, 2023, p. 361; V. Vanderhulst et H. Goret, « 10 jaar zorgvolmacht », Not. fisc. M, Wolters Kluwer, 2023/8, n° 65.

[3] Traduction libre de : E. Callens, « Aanwending van de zorgvolmacht in de context van (patrimonium)vennootschappen: meer zorgen dan macht », TEP, 2018, p. 235, n° 14: “Hiermee wijkt de wetgever af van het gemeen lastgevingsrecht, waar een lastgeving voor onbepaalde duur wel mogelijk is. Allicht wilde de wetgever met deze regeling voorkomen dat de fundamentele vergaderrechten van de aandeelhouders zouden worden ondergraven.”

[4] F. Tainmont, J. Fonteyn, C. Liesenberg et P. Raepsaet, « Le contenu du mandat extrajudiciaire et les pouvoirs du mandataire » in J. Sosson, (dir.), La protection extrajudiciaire et judiciaire des majeurs vulnérables, Bruxelles, Larcier, 2021, p. 187.

[5] A. SPRUYT et E. SPRUYT, « De intelligente zorgvolmacht: instrument van voorzienigheid en successieplanning », in H. De Cnijf et L. Maes (eds.), Fiscaal Praktijkboek 2023-2024. Indirecte Belastingen. Fiscale nieuwigheden praktisch bekeken, 2023, p. 361 ; F. Tainmont, J. Fonteyn, C. Liesenberg, et P. Raepsaet, « Le contenu du mandat extrajudiciaire et les pouvoirs du mandataire » in J. Sosson, (dir.), La protection extrajudiciaire et judiciaire des majeurs vulnérables, Bruxelles, Larcier, 2021, p. 188 ; A. WYLLEMAN, « Art. 489 Oud BW », in X., Personen- en familierecht. Artikelsgewijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Anvers, Kluwer, Art. 489 – 10.

[6] E. Callens, « Aanwending van de zorgvolmacht in de context van (patrimonium)vennootschappen: meer zorgen dan macht», TEP, 2018, p. 235, n° 14.

[7] Tel que cela ressort du titre de la section 2 du Chapitre II du Titre XI du Livre I de l’ancien Code civil.

[8] F. Tainmont, J. Fonteyn, C. Liesenberg et P. Raepsaet, « Le contenu du mandat extrajudiciaire et les pouvoirs du mandataire » in J. Sosson, (dir.), La protection extrajudiciaire et judiciaire des majeurs vulnérables, Bruxelles, Larcier, 2021, p. 189, n° 103.

[9] Ibidem.

[10] Traduction libre de: A. WYLLEMAN, « Art. 489 Oud BW », in X., Personen- en familierecht. Artikelsgewijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Anvers, Kluwer, Art. 489 – 11.

[11] Voir entre autres à ce propos A. SPRUYT et E. SPRUYT, « De intelligente zorgvolmacht: instrument van voorzienigheid en successieplanning », in H. DE CNIJF en L. MAES (eds.), Fiscaal Praktijkboek 2023-2024. Indirecte Belastingen. Fiscale nieuwigheden praktisch bekeken, 2023, pp. 314-322.

[12] Traduction libre de: A. WYLLEMAN, « Art. 490 Oud BW », in X., Personen- en familierecht. Artikelsgewijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Anvers, Kluwer, Art. 490 – 3.

[13] Art. 1238 C. jud.

[14] Art. 1239 à 1241 C. jud.

[15] Traduction libre de: E. VAN DEN EEDEN, « Rol van de bewindvoerder », in K. Rotthier, T. Wuyts, E. Van Den Eeden, J. Bogaert, Handboek bescherming wilsonbekwamen. Zorgvolmacht en bewind na de wet van 21 december 2018, Anvers, Kluwer, 2019, p. 367, n° 993.